Intrusion nocturne et chats errants

@Dementa & William Waldergrave

Dorian s’était glissé hors de l’auberge en catimini sans prévenir aucun de ses compagnons. Il n’avait envie qu’on lui pose des questions auxquelles il n’avait aucune envie de répondre. Inévitablement, s’il avait dû leur dire où il allait, ils auraient au mieux proposer de l’accompagner, ce qu’il ne désirait, au pire lui auraient conseillé d’attendre encore un peu pour cela. Mais Dorian n’en pouvait plus d’attendre les instructions d’un parfait inconnu qui ne daignait même pas répondre à leurs questions. Il était venu ici pour le Comte, pour savoir s’il existait vraiment, si les légendes slaves étaient véritables. Dorian sentait qu’il pourrait avoir ici les réponses à ses questions, des questions qu’il avait toujours eut au fond de lui-même et qui ne cessaient de revenir. Il avait cette théorie de malédiction, de tableau maudis, mais quelque chose en lui se mettait à douter de cette réponse trop simple en apparence. Depuis, il avait vu assez de mystères pour se poser de sérieuses questions à ce sujet. Il était possible que les réponses soient plus complexes, et qu’il les trouve ici. Seulement, c’était trop personnel pour les partager avec ses partenaires d’enquête. Aucun d’eux ne savaient qui il était vraiment, il avait caché son identité, et William était à leurs yeux un excentrique fauché fasciné par les mythes. Il préférait qu’ils en restent là.

Quitter la ville de Brasov et gagner Bran était un poil plus compliqué. Certes, il y avait des taxis mais peu acceptaient de se rendre à Bran en pleine nuit. Dorian avait vite réalisé qu’ici les gens étaient très superstitieux au point de se croire dans le roman de Bran Stocker. Un service de calèche proposait le voyage mais de jour, une fois le soleil couché, le cocher préférait faire le tour de Brasov uniquement. L’unique moyen de transport qui restait était un vieux bus rompu par les années au moteur toussotant menaçant de rendre l’âme à chaque instant et qui péniblement grimpait les routes de montagnes de la région. Pour ajouter au tableau, le cuir des fauteuils était comme rongé, et la mousse sortait par endroit. Il y avait une puanteur effroyable à l’intérieur comme si le pot d’échappement donnait à l’intérieur du bus. William cru qu’il allait vomir plusieurs fois, mourir sur un virage difficile, mais il finit par arriver à bon port. Le chauffeur du bus annonça que le service terminait. William ignorait comment il rentrerait. Mais il y avait une auberge à Bran avait-il cru comprendre, peut-être pourrait-il y prendre une chambre ? Il soupira. Au moins était-il arrivé à bon port.

Une fois au village, il lui fallu grimper jusqu’au château. Ce dernier paraissait habité, il y avait de la lumière aux fenêtres, et il percevait des bruits indiquant que des gens vivaient là. Sur internet, il avait vu qu’on pouvait le visiter de jour, et qu’en partie, ce qui indiquait en général que les lieux étaient habités. De toute façon, entretenir une telle baraque devait demander tellement d’investissement qu’il valait mieux être installé sur place, supposa William. Il observa la demeure impressionnante, et la muraille l’encerclant qui paraissait difficile à escalader. Cinquante ans plus tôt, Dorian s’était prit d’amour pour l’escalade, et la randonnée, il s’était attaqué à des monts compliqués, mais il avait du matériel, et il était accompagné de guides en général. Là, le mur était haut, et paraissait bien lisse. Il s’interrogeait ainsi quand il entendit du bruit. Il réalisa qu’il était trop tard pour se cacher quand il distingua une silhouette féminine l’observant. Elle le héla, lui demandant s’il avait besoin d’aide et se présentant à lui. Dorian fut surpris qu’elle soit si accueillante avec lui alors qu’il avait tout de l’attitude de l’intrus si ce n’est qu’il était indéniablement trop habillé pour être pris pour un voleur. « Oh, et bien oui, je suppose que oui, vous pourriez m’aider. Je m’appelle William, William Waldergrave. Venez-vous du château Dementa ? J'en cherchais l'entrée... et je me suis perdu. » demanda-t-il avec tout l’aplomb qu’il possédait. Pour l’instant, personne n’avait lâché les chiens sur lui, et elle avait l’air même de le prendre pour un invité. Peut-être y avait-il une soirée d’organisée ici ? Elle semblait bien vêtue elle aussi.

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Intrusion nocturne et chats errants

@Dementa & William Waldergrave

William esquissait un sourire, bien campé sur ses jambes enroulées du cuir des hautes bottes de cavalier qu’il portait. Non pas qu’il se soit aventurer jusqu’ici seul à cheval mais plutôt qu’il savait qu’il allait être dans un terrain boueux. Il avait fait de l’escalade mais n’avait emporté l’équipement, ne le pensait pas nécessaire et surtout, l’estimait peu discret. Les bottes de cavalier étaient infiniment plus jolies et passe partout, surtout les siennes, datant du siècle dernier. Il devait avouer qu’au village, ils semblaient tous dater du siècle dernier, dans leur accoutrement, dans la tenue qu’ils portent, dans leur manière de parler. Dorian sait qu’on trouve ce genre de comportement dans les contrées reculées. Bien que cela tende à changer maintenant avec l’électricité qui va partout, la 3G, et la technologie qui s’invite dans tous les foyers y compris les tribus africaines. Il le regrettait, ces temps où la magie pouvait subsister parce que la technologie n’avait encore atteint tout le monde. Et ici, cela semblait être le cas. Peut-être que l’inconnu l’ayant invité ici avait raison, peut-être que c’était ici leur monde perdu.

La jeune femme au teint laiteux le dardait d’un regard qui lui paru amusée, intriguée. Elle lui demanda s’il était attendu et qui il venait visiter. Dans sa caboche, Dorian sait que ce serait la fin du voyage s’il répondait mal. Sa langue tourna dans sa bouche. Ayant toujours été aventureux et audacieux, prenant tous les risques avec un certain délice, il considérait le monde comme un gigantesque terrain de jeu. Et surtout, il pensait que la vie ne valait d’être vécue que si on la vivait à 200%. La sienne ayant durée une multitude de vie. Il avait parfois le sentiment que c’était une malédiction, lorsqu’il voyait flétrir et mourir les autres autour de lui, et que le monde lui devenait au fil du temps étranger, et cependant, son goût le poussait à y voir un sérieux avantage. L’aventure le portait toujours plus loin, jusqu’ici, ce château. Dorian passa sa langue sur ses lèvres, et observa la femme. « Je ne sais si j’oserais vous répondre. » suggérant ainsi qu’il se pourrait qu’une femme soit impliqué. C’était sa carte garçon charmeur, séducteur, cœur à prendre dont il usait si fréquemment et qui par le passé lui avait rapporté quelques ennuis.

Et cependant, elle accepta de le faire entrer. William masqua son soulagement dans un demi sourire comme si tout cela était normal, qu’il ne pouvait en être autrement. Evidemment qu’il était attendu. La grille s’ouvrit devant eux. C’est en pénétrant dans le jardin qu’il se décida, à être audacieux jusqu’au bout. Il se tourna vers elle si soudainement que leurs corps se retrouvèrent à une sérieuse proximité. Il pu constater à quel point elle était belle, à quel point elle paraissait si peu ordinaire, à quel point ses yeux luisaient dans l’obscurité comme ceux des grands prédateurs. Ce sentiment de danger était grisant. « Puisque vous m’ouvrez la porte, autant vous ouvrir mes pensées. Je viens voir Dracula. On m’a dit qu’il était ici, mais est-il disponible ? Acceptera-t-il de me voir ? » Voilà, il s’était jeté à l’eau, il plongeait vers le danger sans plus s’en soucier, ou plutôt si, il tremblait mais quel délice de trembler ainsi.

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Intrusion nocturne et chats errants

@Dementa & William Waldergrave

Jouant les amants en quête d’un passage secret, Dorian sent que la demoiselle lui faisant face n’y croit peu. Les temps ont changés, certes, et les dames d’aujourd’hui se cachent assez peu de leurs conquêtes, même si, les femmes mariées se soucient encore de la discrétion. Elles passent par des sites internet, se cachent, comme les hommes mariés. Tromper reste encore un exercice de haute voltige peu importe la révolution sexuelle, il faut dire que, dans le monde moderne les choses sont un peu retombées depuis mai 68. Mais ici, tout le monde paraît enfermé dans une époque révolue, une époque qu’il a lui-même connu, le 19e. Difficile de croire qu’ici, les amants ne se glissent pas dans le noir, qu’ils évitent de laisser des traces écrites derrière eux, sur des parchemins qu’ils brûlent. Mais peut-être que les femmes ici sont différentes ? Qu’importe, maintenant qu’il a choisi cette excuse, il doit s’y tenir, tant qu’elle ne le forcera à faire tomber le masque du moins. S’il y a bien une chose qu’il a compris depuis les décades qu’il foule cette terre, c’est que les gens ne vous font plus du tout confiance quand vous avouez avoir menti. Et dieu seul sait combien Dorian aime mentir. Cela l’affranchit d’avoir à faire face à la vérité. « Je lui transmettrait, mais qui vous dit que c’est une femme ? » susura-t-il d’un air malicieux.

Une fois le portail passé, il change de plan, et se décide aux confidences. Après tout, il n’a fait que suggérer qu’il voyait quelqu’un en secret. Elle en a fait ses propres déductions, ce n’est donc pas vraiment un mensonge, tout au plus un par omission. Mais quelque chose souffle à Dorian qu’elle peut l’aider, qu’elle peut lui ouvrir la porte s’il lui fait confiance. Cet étrange sentiment. Il a toujours eut cette conviction profonde que s’il s’en donnait vraiment la peine, il pouvait séduire, et baisser les défenses de n’importe qui. Mais face à elle, il a le sentiment qu’elle n’est pas tout à fait comme les femmes qu’il a pu connaître jusqu’à présent, qu’elle est tout à fait différente en vérité, capable de résister sans doute à ses charmes, et peut-être même, de savoir ce qu’il est en vérité. Si les vampires existent, si Dracula existe… il a besoin de savoir, et il n’y a qu’une seule manière de le savoir. Il se jette à l’eau, fait comme s’il existait. Il s’attend à ce qu’elle lui rit au nez, mais non. Elle agit comme s’il existait vraiment. Soit elle est folle soit, le conte existe vraiment. Mais est-il tel que la légende le décrit ? Elle comprend néanmoins assez rapidement qu’il n’est pas un invité du comte. « On ne peut rien vous cacher. » avoua-t-il dans un demi sourire.

Dorian n’en revenait pas, Dracula existait. Peut-être était-il comme lui ? Affublé d’une terrible malédiction. Dorian avait le sentiment que la vérité était plus complexe que cela. Peut-être contenait-elle une part de vérité dans l’idée d’une malédiction, mais qu’une infime part de la vérité. Impossible de se contenter de suppositions. Il ne pouvait s’arrêter là. Il devait s’aventurer en ces terres étrangères, possiblement dangereuses pour lui. Mais rester là lui était impossible. Il se décida à se jeter dans la gueule du loup. « Je viens d’Angleterre, enfin, c’est ma terre patrie. Mais j’ai voyagé avant de venir ici. J’ai rencontré beaucoup d’êtres extraordinaires, vu beaucoup de miracles mais rien de comparable à ce qu’il y a ici. Le comte est-il ce qu’on raconte ? » demanda-t-il, se confiant, qu’à moitié cependant. Il gardait encore une marge de sécurité comme s’il lui était encore possible de faire demi tour en courant. De toute façon, il n’avait jamais couru de toute sa vie et ne comptait pas commencer ce soir.

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